Université d’été féministe 2015

Cet été se tiendra L’université d’été féministe à l’UdeM, un ensemble d’ateliers, cours et conférences d’une à trois heures donnés par des étudiant·es de l’Udem entre le 18 juin et le 3 août 2015.

Universite d ete feministe

J’y donnerai un cours le mercredi 22 juillet 2015 à 13h (local B-3285)

Approches féministes en éthique animale et environnementale

Ce cours introduira certaines thèses développées par les approches féministes en éthique animale et environnementale depuis une trentaine d’années.

Les approches féministes ont développé les outils nécessaires pour critiquer non seulement le sexisme, mais également les autres oppressions comme le racisme, le capacitisme, l’âgisme, etc. Mais qu’en est-il du spécisme et de l’anthropocentrisme? Au coeur de l’écoféminisme se trouve l’idée que les oppressions des femmes, des personnes racisées ou marginalisées, des autres animaux et de la nature sont liées et fonctionnent selon une même logique de domination. Pourtant, les liens entre l’oppression des humains et des autres animaux restent encore aujourd’hui peu thématisés dans les mouvements féministes.

Les questions qui seront au centre de nos discussions sont les suivantes:

• Quels devoirs nous impose la reconnaissance que nous ne sommes pas les seuls êtres conscients sur la planète et que plusieurs animaux sont également des individus vulnérables qui ressentent des émotions et se soucient de ce qui leur arrive?

• Quel rôle joue le consentement (actuel ou hypothétique) des autres animaux dans la détermination de nos devoirs envers eux? Leurs actes de résistance ont-ils un poids moral?

• Quels sont les liens entre l’anthropocentrisme et l’androcentrisme?

• Comment la croyance dans la suprématie humaine – l’idée d’une domination « naturellement juste » des humains sur les autres animaux – alimente-t-elle d’autres systèmes d’oppression, comme le patriarcat et le colonialisme?

• Le spécisme (la discrimination des individus vulnérables qui n’appartiennent pas à notre groupe biologique) est-il moralement plus justifiable que le sexisme, le racisme ou le capacitisme?

• Comment les dualismes hiérarchiques et oppositionnels qui structurent la pensée occidentale – nature/culture, humain/animal, masculin/féminin, esprit/corps, rationel/émotionnel, développé/primitif, cultivé/sauvage – contribuent-ils à l’oppression des autres animaux, des femmes, des autres cultures humaines et des personnes marginalisées (notamment des personnes en situation de handicaps)?

• Quel est le rôle des émotions, de l’empathie, du care, de l’attention et de la perception morale dans la transformation de notre vision anthropocentriste du monde?

• Quelles pistes de solution à la dévastation environnementale sont compatibles avec les valeurs et principes féministes?

• Avons-nous les mêmes responsabilités envers les animaux domestiqués (utilisés pour la compagnie ou la boucherie) et les animaux sauvages en raison du fait qu’ils ont des capacités similaires ou nos devoirs envers eux sont-ils différenciés selon nos diverses relations avec eux et selon les contextes?

Selon le Living Planet Index (2014), nous avons tué la moitié des animaux sauvages vertébrés de la planète en moins de 40 ans. Cela est principalement dû à l’augmentation rapide de l’élevage qui accapare, détruit et pollue leurs habitats naturels et contribue davantage aux changements climatiques que l’ensemble des transports.

Étant donné les problèmes environnementaux, sociaux et moraux associés à l’élevage, le véganisme apparaît un outil incontournable dans les luttes pour la justice sociale et environnementale au niveau mondial (notamment pour la justice alimentaire et intergénérationnelle). Quels sont les défis qui attendent une révolution végane dans les sociétés industrialisées et non-industrialisées?

Comment développer un mouvement global de libération animale et humaine qui soit attentif aux contextes socio-économiques, respectueux des différences culturelles et solidaire avec les autres luttes sociales?

Voilà un aperçu des questions qui seront abordées dans ce cours.

Plus d’infos: https://etefeministeudem.wordpress.com/approches-feministes-en-ethique-animale-et-environnementale/

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Capacité cognitives, langage et conscience chez les animaux

 

Plan pour le cours de Valéry Giroux – 12 mars 2012

Voici le Power Point de la séance :  Version PowerPoint 2003, Version PowerPoint 2011.

Capacités cognitives, langage et conscience

Comme vous le savez, j’ai la tâche de combiner deux séances en une : la séance sur les capacités cognitives et le langage ainsi que la séance sur la conscience. Ce qui unifie ces deux sujets est la question de la subjectivité animale. Étudier l’animal comme sujet, c’est étudier l’animal comme un être doué de subjectivité ou d’esprit (mind), c’est-à-dire comme un être qui a une vie non seulement biologique, mais une vie psychologique. Cette question est intimement liée à la question de la sensibilité (sentience) et de possession d’intérêts puisque ressentir et désirer sont des états mentaux.

Or, le problème évident est que la tradition philosophique anglo-saxonne considère les états mentaux comme des états propositionnels. Dans ce cadre, le langage est vu comme la condition suffisante et nécessaire pour avoir un esprit. Cette position, élaborée par Davidson et Frey, est le principal obstacle au développement d’une éthologie cognitive qui cherche à expliquer les comportements des animaux en faisant appel à des états mentaux (croyances, désirs, émotions).

Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, le passage du paradigme behavioriste au paradigme cognitiviste en éthologie n’a eu que très peu d’intérêt pour l’éthique animale pour la simple raison que les études sur la cognition animale ne s’intéressent pas à la subjectivité et à la conscience, mais à l’esprit comme centre de traitement d’informations. Les théories computationalistes de l’esprit considèrent les processus cognitifs sur le modèle du fonctionnement des ordinateurs et ne s’intéressent pas à l’aspect subjectif du vécu, traité le plus souvent comme un simple épiphénomène.

La question de savoir si les animaux ont un esprit au sens cognitiviste n’implique donc pas nécessairement de se demander s’ils ont une forme de conscience ou même s’ils ressentent quelque chose. Autrement dit, la question de la sentience – de la conscience phénoménale, du ressenti (Searle) ou de l’effet que ça fait d’être un animal (Nagel) – reste foncièrement inaperçue.

Depuis les années 90, cependant, la question de la conscience a repris du poil de la bête et plusieurs philosophes ont osé aborder la « difficile question » (the hard question) de la conscience (Searle, Carruthers, Griffin). Ces débats autour des différentes théories de la conscience (HOT, épiphénoménalisme, etc.) ont un impact direct sur la question de la sentience des animaux – bien que Carruthers prétend qu’on peut admettre que les animaux souffrent sans leur reconnaître une subjectivité (Carruthers « Why the question of animal consciousness might not matter very much » (2005) et «Suffering without subjectivity» (2004).

Les débats autour de la subjectivité des animaux non-humains – autrefois foncièrement marqués par un biais intellectualiste – tendent aujourd’hui à s’orienter sur la question des émotions et de l’expérience vécue. Cependant, la question des émotions chez les animaux est beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire (Dawkins) et plusieurs argumentent que nos attributions d’émotions aux animaux ne sont peut-être pas légitimes (Dixon, Damasio).

La réhabilitation des explications psychologiques du comportement des animaux par le moyen des croyances, désirs et émotions est cependant en train de donner naissance à un nouveau paradigme en éthologie. Se fondant sur l’idée que l’étude du comportement des animaux est avant tout l’étude de sujets et non pas simplement l’étude d’objets ou de processus physico-biologiques, plusieurs reconnaissent que l’éthologie est une science essentiellement interprétative qui se doit d’emprunter ses méthodes aux sciences humaines et sociales plutôt qu’à la biologie et aux neurosciences. Au moyen « anthropomorphisme critique », il s’agir de bâtir une science du comportement animal prenne comme point de départ notre compréhension commune, spontanée ou “naïve” du comportement des animaux pour l’évaluer et la tester d’une manière critique et rigoureuse (D. Jamieson, K. Andrews, C. Allen).

Lectures suggérées : (*inclus dans le recueil)

*Frey, R. J., Rights, Interests, Desires and Beliefs, 1989
*Stitch, S., Do Animals have Beliefs ? (1979)
Davidson, D.,Rational Animals (1982)
*Carruthers, P., Brutes Experience (1989) et Animals and Conscious Experience (1994)
*De Grazia, D., Taking Animals Seriously : Mental Life and Moral Status (1996)
Nagel, T.,What is it like to be a bat ?(1974)
Griffin, D., Scientific Approach to Animal Consciousness (2000)
Searle, J., Animal Minds(1994)
Jamieson, D.,Science, Knowledge, and Animal Minds(1998)
*Dawkins. M. S., Animal Minds and Animal Emotions (2003)
Beth Dixon, Animal Emotions(2001)