CFP: Phenomenology of Animality – Studia Phaenomenologica XVII (2017)

Studia Phaenomenologica XVII (2017) – Phenomenology of Animality

Info : http://www.phenomenology.ro/studia_2017/

The 2017 issue of Studia Phaenomenologica will be devoted to the phenomenology of animality. This area can be approached in at least two different ways: one can explore the fruitfulness of the problem of animal being by starting from the fundamental questions of phenomenology; or one can start from issues related to animal philosophy, and explore the explanatory potential of phenomenology in relation to this area.

Depending on the approach taken, the volume’s topic can therefore be understood either as a “phenomenology of animality” which focuses on the distinctive methodology of the phenomenological approach to the animal, or as a “phenomenology of animality” which focuses on the thematic specificity of the animal problem within the vast field of phenomenology. Thus, one might ask, on the one hand, what function can have the phenomenon of animal life within the general framework of a phenomenological research program, whether this is transcendental, ontological, hermeneutical or ethical. And, on the other hand, one might investigate the role phenomenology as such plays in the context of interdisciplinary and multidisciplinary contemporary debates about the animal which engage perspectives from biology, animal psychology, ethology, law, etc.

Accordingly, there are two intertwined questions here, and both are equally important: one refers to the significance of the animal being for phenomenology, while the other is related to the significance of phenomenology for the current field of “animal philosophy”. But then, what does the specificity of the phenomenological approach to the animal consist in? How can one identify the dimensions that distinguish and individualize the phenomenological approach in contrast to other forms of animal philosophy? By virtue of which exactly is an approach to the animal a phenomenological one?

Given the fact that the history of phenomenology reveals multifarious approaches to the animal, and thus we are not dealing with one phenomenology of animality, but with a plurality of phenomenologies, one should perhaps attempt to identify a common core or at least central factors that give coherence and unity to this field.

If the phenomenological approach must by definition be carried out in the first person, focusing in a strictly descriptive way on what is given and on what shows itself, and if, furthermore, its paramount task is that of uncovering both the structure of subjective experience and the constitutive structures of the described phenomena, then the same requirements have to be applied to the question of the animal and the diverse experiences we have with animals.

Thus, first, the phase of phenomenological reduction requires a preliminary bracketing of all scientific or philosophical theories about animals in general; in other words, phenomenology should attempt to disregard from the beginning any traditional understanding of the animal that may divert or blur the phenomenological sight.

Second, as an essentially methodical approach, phenomenology raises the question regarding the conditions of access to the being of the animal or to the animal world; from this perspective, it constantly produces a critical discourse highlighting the limits of empathy and the risks of transfer meaning from the human to the animal sphere.

Third, phenomenology starts from everyday experience of and with animals, and investigates the concrete ways these are given to us in our world of factical life, avoiding any artificial construct such as a laboratory setting.

And finally, in virtue of its originally eidetic character, phenomenology focuses on the question of the essence of the animal, the problem of the animality, and the essential structures relating the human and the animal spheres of experience.

Articles can be submitted in English, French, and German. The submissions should comply with the following guidelines: http://www.zetabooks.com/media/wysiwyg/Journals/2016_SP_FORMAL_EDITORIAL_RULES.pdf

EXTENDED DEADLINE : 15 January, 2017.

The papers should be sent to: submissions@phenomenology.ro

 

“Le capitalisme, les animaux et la nature chez Marx”

Le capitalisme, les animaux et la nature chez Marx

publié dans Daoust, M-K. (ed.), Capitalisme, Propriété, Solidarité. Montréal: Les Cahiers d’Ithaque, 2016 (version PDF publiée).

Par Christiane Bailey

concours philosopher 2016

Texte publié dans le cadre du Concours intercollégial philosopher 2016: Quel jugement porter sur le capitalisme?

Exploitation et aliénation des travailleurs, privatisation des terres, expropriation des paysans, dégradation des sols agricoles, accumulation croissante du capital dans les mains d’une minorité et crises économiques récurrentes ne sont que quelques-unes des manifestations du capitalisme selon Marx.

Certes, le capitalisme a permis le développement de richesses « plus colossales que […] toutes les générations passées prises ensemble » (Marx et Engels, Manifeste, 15). Aussi admirables soient « les machines, l’application de la chimie à l’industrie et à  l’agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers [et] la régularisation des fleuves » (Ibid), cette « domestication des forces de la nature » est bien loin d’apporter l’espoir de liberté, d’égalité et de justice :

« Le travail produit des merveilles pour les riches, mais il produit le dénuement pour l’ouvrier. Il produit des palais, mais des tanières pour l’ouvrier. Il produit la beauté, mais l’étiolement pour l’ouvrier. […] Il produit l’esprit, mais il produit l’imbécillité, le crétinisme pour l’ouvrier. » (Marx, Manuscrits de 1844, p. 58).

Le jugement sévère de Marx sur le capitalisme est fondé sur une analyse minutieuse de son fonctionnement qui lui a permis de prévoir certains des aspects les plus néfastes du capitalisme actuel : la concentration des capitaux, l’augmentation des inégalités socio-économiques, la mondialisation qui impose à toutes les nations « une prétendue civilisation » (Marx et Engels, Manifeste du parti communiste, p. 15.), les crises financières et même la crise écologique.

Système fondé sur la propriété privée (l’appropriation) des moyens de production, du produit du travail d’autrui, des autres animaux et de la terre, le capitalisme n’est pas seulement profondément injuste et instable, mais également insoutenable.

La « genèse du fermier capitaliste » [1]

C’est dans l’agriculture que Marx identifie les premiers effets du capitalisme, notamment dans l’élevage des moutons et du bétail. Il dénonce les lois sur le clôturage des terres communales qui ont donné le coup d’envoi au développement de l’agriculture intensive. Véritable « vol de la propriété communale » (Marx, Le capital, livre I, p. 824), ces lois ont privatisé les terres autrefois dévolues à l’usage collectif et mené à l’expropriation de la population rurale qui s’est vue transformée en main d’œuvre pour les villes.

Dans Le Capital, Marx analyse longuement comment « cette usurpation violente de la propriété communale […] s’accompagne de la transformation des terres de labour en pâturages » (Le capital, livre I, p. 815). C’est ainsi, dit Marx, qu’une poignée de « riches éleveurs de bétail» (Le capital, livre I, p. 817) usurpa les terres d’un grand nombre de paysans forcés de gagner leur subsistance en travaillant pour autrui. Ces transformations sociales ne se sont pas faites sans heurts :

« Entre 1814 et 1820, ces 15 000 habitants, soit environ 3000 familles, furent systématiquement chassés et décimés. Tous leurs villages furent détruits et brûlés, tous leurs champs transformés en pâturages. On fit venir pour l’exécution de ce plan des soldats britanniques […]. Une vieille femme, qui refusait d’abandonner sa chaumière, périt dans les flammes. » (Le capital, livre I, p. 822)

Les êtres humains ont été chassés pour faire de la place aux animaux comme les moutons et les bœufs, en raison des profits qu’on tirait de leur laine et leur viande. Et les animaux, souligne Marx, furent à leur tour chassés des pâturages avec la création des Deer Forest, les réserves de chasse « consacrées uniquement au plaisir de quelques chasseurs, qui ne dure que pendant une brève période de l’année » : « les moutons furent chassés […] tout comme auparavant on avait chassé les hommes pour faire place aux moutons… » (Le capital, livre I, 823-825, note 220.).

Marx était également témoin du développement de l’élevage hors sol, notamment du système Bakewell qui permet de « garder constamment les bêtes à cornes à l’étable » (Le capital, livre II, p. 258). Ce système – qui influença notamment la théorie de la sélection naturelle Darwin – consistait à enfermer les animaux et à séparer les mâles des femelles pour sélectionner des reproducteurs aux caractéristiques désirées. Cette sélection artificielle fondée sur la consanguinité a permis de développer des lignées génétiques qui pouvaient être engraissées plus rapidement : « Bakewell […] réduisait par une sélection attentive le squelette des moutons au minimum nécessaire à leur existence […]. Presque tout leur poids était en viande nette. » (Le capital, livre II, p. 251).

C’est Descartes, dit Marx, qui « avec sa définition des animaux comme simples machines, voit les choses avec les yeux de période manufacturière, par opposition au Moyen Âge, où l’animal passait pour l’auxiliaire de l’homme » (Le capital, livre I, p. 438, note 111). Cette révolution agricole – fondée sur l’expropriation des paysans et des animaux domestiqués – a eu pour effet « de transformer la terre en article de commerce pur et simple » (Le capital, livre I, p. 815) et de transformer les paysans en ouvriers salariés.

Le travail salarié : une forme de travail forcé et aliénant

L’arrivée massive dans les villes d’une main d’œuvre de paysans dépossédés de leurs terres et de leurs moyens de subsistance permit le développement du capitalisme industriel. Le travail salarié est souvent présenté comme une forme de travail libre parce que c’est l’ouvrier lui-même qui vend sa force de travail, tandis que « l’esclave ne vendait pas plus sa force de travail au possesseur d’esclaves que le bœuf ne vend le produit de son travail au paysan » (Travail salarié et capital, p. 20). À la différence des esclaves et des animaux domestiques qui sont eux-mêmes des marchandises que leur propriétaire peut revendre à un autre propriétaire, le travailleur salarié vend lui-même sa force de travail, il a la liberté de quitter son emploi pour travailler ailleurs.

Marx soutenait qu’en réalité le travail salarié était un travail forcé parce que les prolétaires doivent se vendre, jour après jour, à un employeur pour assurer leurs moyens de subsistance. La liberté du travailleur salarié est bien relative parce celui qui ne possède rien d’autre que sa force de travail « ne peut quitter la classe tout entière des acheteurs, c’est-à-dire la classe capitaliste, sans renoncer à l’existence. Il n’appartient pas à tel ou tel employeur, mais à la classe capitaliste […] » (Travail salarié et capital, p. 20).

Dans le capitalisme, si chacun peut en principe accéder à la classe possédante, rares sont ceux qui y parviennent : « L’existence d’une classe ne possédant rien que sa capacité de travail est une condition première du capital » (Travail salarié et capital, p. 28). Le capitalisme a aboli les anciennes classes sociales fondées sur la noblesse et rendu possible une certaine mobilité sociale inconnue à l’époque féodale, mais il n’a pas aboli les antagonismes de classes : il les a simplifiés. L’accumulation du capital en un petit nombre de mains (« résultat nécessaire de la concurrence » selon Marx [2]) a fait disparaître les distinctions sociales antérieures de sorte que la société se divise de plus en plus en deux classes : la bourgeoisie et le prolétariat ou, autrement dit, les propriétaires et les ouvriers non propriétaires.

Marx était déjà à son époque témoin des inégalités sociales inhérentes au capitalisme et de la concentration inévitable des richesses dans les mains d’une minorité. D’une part, la concurrence entre les ouvriers sur le marché du travail assurait que les salaires resteraient minimaux, de sorte que «  l’ouvrier moderne […] loin de s’élever avec le progrès de l’industrie, descend toujours plus bas [20] ». D’autre part, la concurrence entre les capitalistes eux-mêmes faisait en sorte que la petite bourgeoisie venait éventuellement grossir les rangs de « l’armée de réserve industrielle » (Le capital, livre I, p. 538) ou de ce qu’on appelle aujourd’hui les ressources humaines : « petits industriels, marchands et rentiers, artisans et paysans, tout l’échelon inférieur des classes moyennes de jadis, tombent dans le prolétariat » (Manifeste du parti communiste, p. 16).

Le travail salarié est également une forme de travail forcé dans la mesure où la plupart ne travaillent pas pour le plaisir et l’accomplissement, mais pour survivre, se loger et se nourrir. Il s’agit de fournir les moyens de subsistance à l’ouvrier et à sa famille « pour que la race des ouvriers ne s’éteigne pas » (Manuscrits de 1844, p. 13). Cette « vie ramenée à sa plus simple expression » (Manifeste du parti communiste, p. 18) est présentée par Marx comme une forme de déshumanisation ou d’animalisation des humains, laissant par là entendre que « la production capitaliste dérobe les humains de quelque chose qui leur est dû en tant qu’êtres humains » (Wilde, « “The creatures, too, must become free”: Marx and the Animal/Human Distinction », p. 42).

En effet, le salariat n’est pas simplement, pour Marx, un travail forcé, mais aussi un travail aliénant, notamment en raison de la division du travail qui impose des tâches simples et répétitives :

« L’ouvrier qui, douze heures durant, tisse, file, perce, tourne, bâtit, manie la pelle, taille la pierre, la transporte, etc., regarde-t-il ces douze heures de tissage, de filage, de perçage, de travail au tour ou de maçonnerie, de maniement de la pelle ou de taille de la pierre comme une manifestation de sa vie, comme sa vie ? Bien au contraire. La vie commence pour lui où cesse l’activité, à table, à l’auberge, au lit. Par contre, les douze heures de travail n’ont nullement pour lui le sens de tisser, de filer, de percer, etc., mais celui de gagner ce qui lui permet d’aller à table, à l’auberge, au lit. » (Travail salarié et capital, p. 20).

L’aliénation du travailleur consiste dans le fait que le produit de son activité n’est pas le but de son activité. Le travail est alors moins une partie de sa vie qu’un sacrifice de sa vie et l’ouvrier ne se sent libre « que dans ses fonctions animales : manger, boire, procréer » (Manuscrits de 1844, p. 59).

L’aliénation des animaux : critique de l’anthropocentrisme de Marx

Marx reconnaît que se nourrir et se reproduire sont aussi « des fonctions authentiquement humaines », mais soutient que lorsqu’elles sont le but exclusif de la vie, elles sont animales (Manuscrits de 1844, p. 59). Cette thèse de Marx a fait l’objet de nombreuses critiques.

On comprend qu’une vie humaine épanouie ne puisse être exclusivement centrée sur la satisfaction des besoins vitaux, comme le fait de se nourrir et de se reproduire. En revanche, l’idée selon laquelle les humains sont alors réduits à la condition de « simples animaux » trahit une conception réductrice de la vie des autres animaux. Cela présuppose en effet que leur vie est entièrement orientée vers la survie et la reproduction.

Or, comme le soutient Aristote dans son traité De l’âme, ces fonctions ne caractérisent pas la vie animale en tant que telle, mais l’âme végétative commune à tout être vivant. Ce qui est propre aux animaux ce n’est pas d’être en vie, de se nourrir et de se reproduire – ce sont là des fonctions vitales que les animaux partagent avec les plantes – mais de percevoir, de se mouvoir, de ressentir, d’agir, de se rappeler et d’apprendre, de communiquer avec les autres et de développer des relations interpersonnelles et des liens affectifs.

Puisque nous devons également distinguer chez les animaux entre la simple survie et l’épanouissement, c’est-à-dire entre la satisfaction de ce que Marx appelle les « besoins physiques » et la possibilité de développer leurs capacités propres, il s’ensuit que les animaux non-humains ne coïncident pas avec leurs « activités vitales » contrairement à ce que soutient Marx et peuvent donc également être aliénés.

Reprenant les formes d’aliénation identifiées par Marx, Noske soutient que les animaux qui vivent enfermés dans nos élevages et nos laboratoires sont également aliénés en plusieurs sens : ils sont (1) aliénés du produits de leur travail, (2) aliénés de leurs activités productives et reproductives, (3) aliénés de leur essence et (4) aliénés de leurs relations métaboliques avec la nature (Noske, Beyond Boundaries: Humans and Animals, p. 18-20).

Les animaux domestiqués sont aliénés de leurs activités productives et reproductives au sens où ils sont dépossédés de leurs corps, du fruit de leur travail, séparés de leurs enfants et privés de leur lait maternel, leurs œufs, etc. Les animaux qui « ressentent […] le besoin de la chasse, du mouvement, de la société, etc. » (Manuscrits de 1844, p. 93) peuvent également être aliénés de ce que Marx appelle leur être générique, c’est-à-dire de leur essence ou genre propre. Par exemple, il appartient à l’essence des oiseaux de voler et à la nature des mammifères sociaux de vivre en communautés. Confinés dans des conditions d’isolement ou de surpopulation, les oiseaux et mammifères d’élevage sont privés de la possibilité d’exprimer leurs comportements naturels, de se mouvoir librement, d’explorer leur environnement et de développer des liens affectifs et des relations sociales. Ils sont donc aliénés de leurs relations avec la nature et de leur vie sociale.

Littéralement réduits à leurs fonctions vitales (nutrition, croissance et reproduction) et privés de leurs possibilités les plus propres, les animaux domestiqués ne sont pas simplement exploités, réduits à des marchandises et tués dès qu’ils sont suffisamment engraissés ou plus assez productifs, mais leur vie n’a plus rien d’une vie proprement animale.

Les animaux domestiqués comme prolétaires ? Le travail chez les humains et les autres animaux

On objectera que les animaux ne travaillent pas au sens strict et ne peuvent donc pas être aliénés du fruit de leur travail. Or, si le travail consiste à « mettre en mouvement les forces naturelles de sa personne physique, ses bras et ses jambes, sa tête et ses mains pour s’approprier la matière naturelle sous une forme utile à sa vie » (Le capital, livre I, p. 199), il va de soi que les animaux aussi travaillent. Marx le reconnaît, mais soutient qu’ils ne produisent que « sous l’empire du besoin physique immédiat » et seulement ce dont ils ont besoin pour eux-mêmes et leurs enfants (Manuscrits de 1844, p. 61-62).

Pourtant, il n’ignorait pas que les animaux de travail utilisés dans les manufactures, les champs et le transport ne travaillaient pas pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, mais pour la satisfaction des besoins des êtres humains auxquels il sont étaient soumis. Qu’ils aient été contraints de travailler par la force plutôt que par le salariat ne change pas fondamentalement la situation, à moins de vouloir nier que les esclaves travaillent. Marx parle d’ailleurs lui-même des « animaux de travail » et souligne fréquemment dans Le capital le sort commun des humains et des animaux pris dans le mode de production capitaliste.

Une des raisons de la réticence à reconnaître les animaux domestiqués comme faisant partie du prolétariat vient du fait qu’ils sont privés du potentiel révolutionnaire généralement reconnu à la classe ouvrière (Torres, Making a Killing, p. 38-39). Or, que les animaux domestiqués ne puissent s’organiser collectivement pour faire la révolution ne signifie pas qu’ils ne résistent pas à leur oppression : « De toutes les grandes forces motrices issues de la période manufacturière, la force du cheval était la plus mauvaise, en partie parce qu’un cheval n’en fait qu’à sa tête […]. » (Marx, Le capital, livre I, p. 422 [3]). C’est précisément cette insubordination ou cette résistance des animaux qui rendait leur emploi difficile et qui a motivé leur remplacement par des machines.

Même s’il reconnaît que les animaux aussi travaillent, Marx soutient que ce qui distingue le travail des êtres humains est la capacité de produire en fonction d’un plan mental. Les animaux ne produiraient qu’instinctivement sans se représenter le but de leur activité, tandis que « le résultat auquel aboutit le procès du travail était déjà au commencement dans l’imagination du travailleur » (Le capital, livre I, p. 200). Le développement des recherches scientifiques en éthologie nous impose de relativiser ce dualisme entre travail instinctif et travail conscient [4], même s’il faut bien reconnaître que la capacité de produire des outils et des technologies caractérise assez distinctement les humains.

Le capitalisme et la crise écologique chez Marx

Si la production technologique existe déjà « en germe chez certaines espèces animales » (Le capital, livre I, p. 202), elle a atteint chez les êtres humains des niveaux de développement tels que les géologues évoquent aujourd’hui une nouvelle ère géologique marquée par les impacts des humains sur la planète, les sols, le climat, les forêts, les océans et l’extinction massive des autres espèces animales : l’Anthropocène [5].

Les effets négatifs de la production capitaliste sur la nature se faisaient déjà sentir à l’époque de Marx qui déplore à de nombreuses reprises l’appauvrissement des sols, la pollution de l’air et des rivières (Le capital, livre III, p. 111) [6] :

« Avec la prépondérance toujours croissante de la population urbaine qu’elle entasse dans de grands centres, la production capitaliste amasse d’un côté la force motrice historique de la société et perturbe d’un autre côté le métabolisme entre l’homme et la terre, c’est-à-dire le retour au sol des composantes de celui-ci usées par l’homme sous forme de nourriture et de vêtements, donc l’éternelle condition naturelle d’une fertilité durable du sol. […] Tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol ; tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de cette fertilité. Plus un pays, comme par exemple les États-Unis d’Amérique, part de la grande industrie comme arrière-plan de son développement et plus ce processus de destruction est rapide. Si bien que la production capitaliste ne développe la technique […] qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur. » (Marx, Le Capital, livre I, p. 566-567).

Certains marxistes comme Foster s’appuient sur ces passages où Marx identifie le métabolisme entre l’être humain et la nature comme « condition naturelle éternelle de la vie des hommes » pour parler d’un Marx écologiste (Foster, Marx’s Ecology: Materialism and Nature).

Alors qu’on attribue généralement à Marx une conception prométhéenne de l’être humain et une vision productiviste du développement, Foster soutient que cela est le fruit d’une lecture biaisée. Marx dénonce clairement la marchandisation de la terre et la rupture du « rapport métabolique » entre les humains et la nature qui met en péril la survie de l’humanité. Pour Marx, le capitalisme n’est pas simplement un système injuste (exploitation des travailleurs, concentration des richesses, injustices économiques, vol de la propriété communale, etc.), instable (crises financières récurrentes), mais également insoutenable puisqu’il épuise les sols, pollue les cours d’eau et met en danger les relations avec la nature dont dépend l’existence des êtres humains.

Marx considérait le capitalisme comme une étape nécessaire du développement des sociétés humaines, mais une étape transitoire devant être remplacée par une nouvelle forme d’organisation sociale permettant non seulement le développement d’une société libre et juste, mais également plus respectueuse de la nature. Il ne s’agit cependant pas, chez Marx, d’une affirmation de la valeur intrinsèque de la nature et de ses habitants non humains, mais d’un respect hautement intéressé puisque la survie des futures générations humaines en dépend :

« Du point de vue d’une organisation économique supérieure de la société, le droit de propriété de certains individus sur des parties du globe paraîtra tout aussi absurde que le droit de propriété d’un individu sur son prochain. Une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n’en sont que les possesseurs, elles n’en ont que la jouissance et doivent la léguer aux générations futures après l’avoir améliorée en boni patres familias. » (Marx, Le capital, livre III, p. 705).

Marx anticipe ici le concept de « durabilité (sustainability) » mis de l’avant dans le rapport Brundtland en 1987 : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Marx semble cependant aller encore plus loin : il ne s’agit pas seulement de ne pas nuire aux générations futures, mais d’améliorer leur sort.

De nos jours, de plus en plus de gens soutiennent que la notion de « développement durable » est contradictoire et qu’il faut plutôt entamer un processus de décroissance. Marx serait probablement d’accord puisqu’il identifiait l’impératif de la croissance économique comme un des principaux maux du capitalisme. Les sociétés industrielles sont, en effet, frappées d’un mal qu’aucune autre société n’avait connu : « Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société – l’épidémie de la surproduction. […] La société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce » (Manifeste du parti communiste, p. 15).

Cette conception cadre difficilement avec l’image officielle du Marx « productiviste », défenseur d’une complète domination de l’être humain sur la planète. Au contraire, il considérait la propriété foncière, c’est-à-dire la propriété privée de la terre, aussi absurde que l’esclavage non seulement parce qu’elle empêche une partie des gens « d’élire domicile sur la terre », mais parce qu’elle donne « le droit pour le propriétaire d’exploiter le globe, les entrailles de la terre, l’air, partant ce qui conditionne la conservation et le développement de la vie » (Le capital, livre III, p. 703).

À celles et ceux qui croient aux promesses d’un capitalisme vert et à visage humain, Marx répondrait que, laissé à lui-même, jamais le capitalisme n’internalisera les coûts sociaux et environnementaux de sa production – tant qu’ils ne grugent pas les profits. Le problème ne vient pas de la méchanceté des capitalistes, mais plutôt du fonctionnement d’un système contre lequel ils sont impuissants :

« Dans l’ensemble, cela ne dépend pas non plus de la bonne ou de la mauvaise volonté de chaque capitaliste pris individuellement. La libre concurrence impose à chaque capitaliste les lois immanentes de la production capitaliste comme des lois qui le contraignent de l’extérieur. » (Le capital, livre I, p. 301-302).

Les protections sociales et environnementales les plus fondamentales ont été conquises de haute lutte contre le capitalisme, comme les lois sur la longueur des journées de travail, les réglementations sur les déchets industriels ou les produits chimiques. Ces lois sont non seulement très inefficaces, mais il suffit de vagues de déréglementation – comme celles qui ont marqué le néolibéralisme depuis les années 80 – pour les abroger.

Pour Marx, les réformes du système ne suffiront pas à masquer que le capitalisme – la propriété privée de la terre, des moyens de productions et du fruit du travail d’autrui – n’est pas seulement incompatible avec la justice sociale, mais également avec la préservation de l’environnement et la survie de l’humanité. Cette forme d’organisation sociale ne peut durer non seulement en raison de limites morales, mais aussi de limites physiques, c’est-à-dire de limites naturelles [7].

Pour une solidarité plus globale

La prise de conscience grandissante des limites écologiques amène aujourd’hui de plus en plus de gens à soutenir avec Marx qu’il ne s’agit pas simplement de réformer le système de production capitaliste, mais de l’abolir.

Les écosocialistes, par exemple, soutiennent que la gestion durable des ressources naturelles passe par une appropriation collective des terres et des moyens de production. Il ne suffit pas d’abolir la propriété privée des moyens de production qui permettent l’exploitation des individus et l’accaparement du fruit de leur travail, mais d’abolir le statut de propriété privée de la terre pour en faire une propriété collective.

Certains vont encore plus loin et soutiennent que nous devons abolir non seulement le statut de propriété privée de la terre et des animaux qui y habitent, mais leur statut de propriété tout court. En effet, les perspectives écosocialistes restent anthropocentristes puisque si les animaux ne sont plus la propriété privée d’une élite, ils sont encore des propriétés collectives que nous pouvons utiliser, enfermer, mutiler et tuer comme bon nous semble. Nos sociétés seraient donc encore composées d’une classe oppressive possédant et exploitant une classe opprimée, une classe d’individus dépossédés qui survivent à peine en échange de leur travail, de leurs enfants, de leurs corps, de leurs muscles et de leurs produits corporels (lait maternel, œufs, peaux, fourrures, etc.). Il ne suffirait pas d’habiter la terre en gestionnaires éclairés et en « bon père de famille », comme le suggère Marx, mais de reconnaître que les individus des autres espèces et les communautés animales qui partagent la planète avec nous ont également droit à la liberté et l’auto-détermination.

Ces luttes antispécistes et écologistes vont assurément plus loin que Marx, mais sa pensée se révèle néanmoins un allié insoupçonné pour celles et ceux qui visent à développer une solidarité plus globale, non pas seulement avec les prolétaires de tous les pays, mais également avec les générations futures et les autres habitants de la planète.

NOTES

[1] Titre de la section 4 du chapitre XXIV du livre I du Capital intitulé « La prétendue “accumulation initiale” ».

[2] Marx, Manuscrits de 1844, p. 55. L’histoire semble lui avoir donné raison : les inégalités socio-économiques grandissantes sont un des traits distinctifs du capitalisme néolibéral. En 2014, les 85 individus les plus riches du monde avaient autant d’avoirs combinés que 50% de la population la plus pauvre (3,5 milliards de personnes). Selon un rapport d’Oxfam de janvier 2015, 1% des plus riches posséderont plus de la moitié des richesses planétaires en 2016.

[3] Marx, Le capital, livre I, p. 422 : « Le cheval a été abondamment utilisé aux débuts de la grande industrie comme en témoigne […] le simple fait qu’on exprime la force mécanique en cheval-vapeur, expression encore en vigueur aujourd’hui ». Sur la résistance des animaux prolétaires, voir Hribal (2003) et (2010).

[4] Voir, par exemple, Gould, J. R. et C. G. Gould (2007), Animal Architects: Building and the Evolution of Intelligence.

[5] L’Anthropocène est un concept développé par Paul Crutzen et Eugene Stoermer pour désigner l’époque géologique suivant l’Holocène. Certains auteurs marxistes, notamment Jason W. Moore (2015), suggèrent de parler plutôt de « Capitalocène » pour insister sur le fait que ce ne sont pas toutes les formes de civilisation humaine qui ont eu un impact au niveau géologique, mais particulièrement les sociétés capitalistes.

[6] Marx déplore notamment l’abondance de déchets et résidus industriels, mais également l’abandon de la récupération des matériaux usagés et la mauvaise gestion des excréments humains : « À Londres, on n’a trouvé rien de mieux à faire de l’engrais provenant de 4 millions et demi d’hommes que de s’en servir pour empester, à frais énormes, la Tamise ». Marx, K. (1976), Le capital, livre III, p. 111.

[7] (« Physique » vient du grec « phusis » qui signifie « nature »).

Bibliographie

Benton, T. (1988), “« Humanism = Speciesism? Marx on Humans and Animals” », Radical Philosophy, vol. 50, 4-18.

Crutzen, P. J. et E. F. Stoermer (2000),. “« The “Anthropocene” ” », Global Change Newsletter, vol 41, 17-18.

Foster, J. B. (2000), Marx’s Ecology: Materialism and Nature, New York, Monthly Review Press, 200 p.

Hribal, J. (2003), “« Animals are part of the working class” », Labor History, vol. 44, n° 4, 37-53.

Hribal, J. (2010), Fear of the Animal Planet: The Hidden History of Animal Resistance, Oakland, AK Press, 162 p.

Gould, J. R. et C. G. Gould (2007), Animal Architects: Building and the Evolution of Intelligence, New York, Basic Books, 324 p.

Marx, K. (1993), Le capital, Livre I, trad. E. Balibar et al., Paris, Les Éditions sociales, 940 p.

Marx, K. (1900), Le capital, Livre II, trad. E. Cognio et al., Paris, Les Éditions sociales, 524 p.

Marx, K. (1976), Le capital, livre III, trad. C. Cohen-Solal et G. Badia, Paris, Les Éditions sociales, 872 p.

Marx, K et F. Engels (1966), Manifeste du parti communiste, trad. L. Lafargue, édition numérique : www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm consultée le 27/01/2015.

Marx, K. (1972), Manuscrits de 1844, trad. E. Bottigelli, Paris, Les Éditions sociales, édition numérique : classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/manuscrits_1844/Manuscrits_1844.pdf consultée le 27/01/2015.

Marx, K. (1966), Travail salarié et capital, Pékin, Éditions en langues étrangères, édition numérique : http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/Travail_salarie/travail_salarie.pdf consultée le 27/01/2015.

Moore, J. W. (2015), Capitalism in the Web of Life: Ecology and the Accumulation of Capital, Londres et New York, Verso, 336 p.

Noske, B. (1997), Beyond Boundaries: Humans and Animals, Buffalo, Black Rose Books.

Rapport Brundtland (1987), « Notre avenir à tous (Our Common Future) », Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, fr.wikisource.org/wiki/Notre_avenir_à_tous_-_Rapport_Brundtland, consultée le 27/01/2015.

Torres, B. (2007), Making A Killing : The Political Economy of Animal Rights, Oakland, AK Press, 185 p.

Wilde, L. (2000), « “The creatures, too, must become free”: Marx and the Animal/Human Distinction” », Capital & Class, vol. 72, n° 3, 37-53.

concours philosopher 2016 capitalisme

CFP: Philosophical Ecologies: Considerations of the Animal, the Vegetal and the Environmental

Philosophical Ecologies: Considerations of the Animal, the Vegetal and the Environmental

23rd Annual DePaul University Graduate Student Conference

February 12-13, 2016

DePaul University, Chicago, Illinois

Call for submissions – Deadline: December 1, 2015

Keynote Speaker: Cynthia Willett, Emory University

Recent research in interspecies ethics, the place of plant life, and conceptions of the environmental testifies to escalating concerns regarding the insufficiency of existing interrogations into the historical privileging of some forms of life over others. These concerns emerge from a long history of global injustices that have resulted in environmental degradation as well as marginalization of both human and nonhuman populations through such practices as speciation, colonization, feminization, criminalization and dehumanization. This conference highlights the particularly urgent need for more rigorously articulated philosophies of the animal, the vegetal, and the environmental and seeks to reconsider conceptual boundaries between natural and artificial spaces and concepts of life. Topics of interest may include, but are certainly not limited to:

  • environmental, animal, or food ethics
  • conceptions of animal, plant, and human life
  • eco-feminism
  • theoretical, political, and/or historical distinctions between the human and the nonhuman
  • environmental politics and policy
  • rights discourse and its application to nonhuman others
  • nature and the polis
  • colonization and environmental exploitation
  • eco-affectivity and interspecies attunements
  • intergenerational environmentalism
  • ethology and communication in animal and plant life
  • environmental aesthetics
  • dehumanization and oppression

Submissions from any area of study addressing these topics are welcome. Papers should be limited to 3,000 words and prepared for blind review. Please include name, university affiliation, and submission title in the body of your email, and send all submissions and inquires to: depaul.philosophy@gmail.com

ASI-WAS 2015 – Human-Animal Studies Fellowship

This is a wonderful news : There will be a 2015 ASI-WAS Human-Animal Studies Fellowship !

I had the privilege of being a fellow there for the 2014 Fellowship. It was a memorable experience, very useful to my research and it was a great place to meet leading animal scholars from all over the world. Lori Gruen and Kari Weil are especially generous of their time and their knowledge.

So, here is the Call for Applications :

The Animals and Society Institute and Wesleyan Animal Studies invites applications for the ninth annual summer fellowship program for scholars pursuing research in Human-Animal Studies.

This interdisciplinary program was started by the Animals and Society Institute (ASI) in 2007 and enables 6-8 fellows to pursue research in residence at Wesleyan University at the College of the Environment. In 2010, ASI began a partnership with Wesleyan University in Middletown, Connecticut, which now hosts the fellowship.

Wesleyan is a selective private, coeducational, non-sectarian school of liberal arts and sciences known for the excellence of its academic and co-curricular programs. Wesleyan’s College of the Environment was created in 2009 with a belief in the resilience of the human spirit and a desire to engage students and scholars in discussions about environmental issues and their social and political impact.

The fellowship is designed to support recipients’ individual research in human-animal studies as well as to promote interdisciplinary exchange among the fellows. Fellows are expected to participate in a weekly discussion group as well as ongoing scholarly exchange with other fellows. Fellows should expect a diversity of approaches, projects, and commitments to animal protection issues.

All fellows must be in continuous residence for the duration of the program, June 1-June 30, inclusive.

The fellowships are open to scholars from any discipline investigating a topic related to human-animal relationships.

Selected topics from previous years’ programs include: • Animal Ethics in Cold War Literary Culture • Animal Experimentation and Animal Welfare in Twentieth Century Anglo-American Science • Animal Husbandry and the Origins of American Slavery • Animals and Colonialism • Animals, Technology and Future • Children’s Experiences of Animal Death • Cloning Extinct Species of Mammals • Cultivating a Posthuman Psychotherapy • Current Topics in Veterinary Ethics: Food, Economy, Conservation, and Welfare • Ethics and Politics in Environmental Discourse in India • Food, Economy, Conservation, and Welfare in Veterinary Ethics • Gender Relations in Cattle Ranching • Human Animal Relationships at the Duke Lemur Center • Humane Movements and Pet-Keeping in Late Nineteenth-Century England and America • Legal Personhood, Animal Advocacy, and Human-Animal Relationships • Literary Representations of Dogs • Mourning Extinct Species • Everyday Practices of Care and Rescue in the US Animal Sanctuary Movement • Species, Race, and Humanity in Nineteenth-Century American Literatures • The Animal Rights Movements in France and the United States • The Human-Animal Relationship for Veterinary Students • The Moral Significance of Animal Cognition and the Irrelevance of Species • Victorian Quaker Women’s Contributions to Feminist-Animal Ethics • Village Dogs in the Rural Coast of Mexico • Xenotransplantation and Black Market Organs

This year, we especially encourage applications that deal with dogs, public policy, feminism, and animal experimentation.

Featured Speakers

The fellowship will open with an orientation, and a one and a half day workshop on June 1-2, 2015. During the workshop, two special guests, Ralph Acampora and Kristin Stilt, will come to Wesleyan to present their own work, and to discuss fellows’ projects. We encourage proposals whose methods, aims, or research topics might relate to those of our featured speakers.

Ralph Acampora is an Associate Professor of Philosophy, and teaches in the areas of applied ethics and history of modern philosophy. He conducts research in the fields of environmental philosophy, bioethics, and animal studies. After earning a B.A./M.A. at CUNY, Acampora gained his doctorate at Emory University (writing a dissertation on inter-species ethics and phenomenology of body). He has authored Corporal Compassion: Animal Ethics and Philosophy of Body (University of Pittsburgh Press, 2006, co-edited A Nietzschean Bestiary (Rowman & Littlefield, 2003), has published work in a variety of books and journals, referees for Environmental Ethics and for the Journal of Critical Animal Studies, and is a member of the editorial board for Society & Animals as well as Humanimalia. Recent interests of his include the hermeneutics of spectatorship at zoos, moral issues pertaining to the built, including biotechnical environment, and the ontological status of nature.

Kristin Stilt is a Professor of Law at Harvard Law School where she serves as Co-Director of the Islamic Legal Studies Program. She will also be building the animal law program, looking at synergies between law, religion, and animal studies. Before moving to Harvard Law School in 2014, she held dual appointments at Northwestern’s Law School and history department. She has received grants from Fulbright, Fulbright-Hays, the American Research Center in Egypt, the Mellon Foundation, the U.S. Department of Education, and the Carnegie Corporation. Her first book, Islamic Law in Action: Authority, Discretion, and Everyday Experiences in Mamluk Egypt, was published by Oxford University Press in 2011. Professor Stilt has worked with the Nonhuman Rights Project, and has long been interested in animals, beginning when she was a graduate student in Egypt where she was involved in forming the Egyptian Society for Mercy for Animals (ESMA). Stilt believes ”that the lives of animals cannot be prioritized according to national boundaries and that if we find a way to make a real difference, we should act upon it, regardless of where it is.”

Fellowship Directors

The fellowship is directed by Lori Gruen and Kari Weil (who host the Program), Margo DeMello, and Kenneth Shapiro.

Lori Gruen is Professor and Chair of Philosophy, and Professor of Feminist, Gender, and Sexuality Studies, and Environmental Studies at Wesleyan University. Her work lies at the intersection of ethical theory and practice, with a particular focus on issues that impact those often overlooked in traditional ethical investigations, e.g. women, people of color, non-human animals. She has published extensively on topics in ecofeminist ethics, animal ethics, and environmental philosophy. She is the author of three books on animal ethics, including Entangled Empathy (Lantern, forthcoming) and Ethics and Animals: An Introduction (Cambridge, 2011), the co-editor of five books, including Ecofeminism: Feminist Intersections with Other Animals and the Earth (with Carol Adams, Bloomsbury, 2014), the editor of The Ethics of Captivity (Oxford University Press, 2014), and is the author of dozens of articles and book chapters.

Kari Weil is University Professor of Letters and Director of the College of Letters at Wesleyan. With Lori Gruen, she is co-coordinator of Wesleyan Animal Studies, co-host of the Fellowship, and co-editor of a special issue of Hypatia entitled Animal Others (27.3, Summer 2012). She is the author, most recently, of Thinking Animals: Why Animal Studies Now? (Columbia, 2012) and has published widely on issues of gender, feminist theory, and representations of animal otherness. Her current project is tentatively titled The Most Beautiful Conquest of Man (sic): Horses and the Conquest of Animal Nature in Nineteenth-Century France.

Margo DeMello is Program Director of the Human-Animal Studies Program at the Animals and Society Institute, is an Adjunct Professor at Canisius College’s Anthrozoology program, and lectures at Central New Mexico Community College. She also is the Executive Director of House Rabbit Society, an international rabbit advocacy organization. Her most recent books include Teaching the Animal: Human Animal Studies Across the Disciplines (2010), Animals and Society: An Introduction to Human-Animal Studies (2012), and Speaking for Animals: Animal Autobiographical Writing (2012).

Kenneth Shapiro is cofounder and President of the board of the Animals and Society Institute. He is founding editor of Society and Animals: Journal of Human-Animal Studies, and coeditor and cofounder of Journal for Applied Animal Welfare Science and the editor of the Human-Animal Studies book series. His most recent book is The Assessment and Treatment of Children who Abuse Animals: The AniCare Approach.

Application Deadline: November 30, 2014

Amount of Award

Scholars selected to participate in the fellowship program will be awarded a stipend of $2,000 to help cover travel costs, housing, living expenses, books and other research expenses. The fellowship does not pay for housing; fellows will be responsible for finding, and paying for, their own housing. Additional travel and living expenses may become available based on need. We encourage applicants to seek funding from their Universities.

Eligibility

Applicants must (1) possess a Ph.D., J.D., M.S.W. or equivalent, or be a doctoral student at the dissertation stage; (2) have a commitment to advancing research in Human-Animal Studies; (3) be actively engaged, during the fellowship program, in a research project that culminates in a journal article, book, or other scholarly presentation; (4), be far enough along in the project that it will truly benefit from a concentrated period of work conducted on the Wesleyan campus; and (5) submit a follow-up report six months after the fellowship’s completion. Applications are encouraged from the social sciences, humanities, and natural sciences, as long as a part of the project is explicitly dealing with the human-animal relationship.

The ASI’s major work includes: • Editing two peer-reviewed academic journals, Society & Animals (now in its 20th year) and the Journal of Applied Animal Welfare Science (now in its 15th year); • Producing the Brill Human-Animal Studies Book Series (now including 14 titles); • Teaching the Animal: Human-Animal Studies Across the Disciplines, a three-volume ASI project, was published by Lantern Books in 2010; • Producing the ASI Public Policy Paper series and the Guide to Experts in Animal Issues; • Developing and publishing AniCare, a psychological counseling approach for juveniles and adults who abuse animals. We provide workshops and online courses (in partnership with the Arizona State University School of Social Work) on the approach; • Implementing our Rapid Response program for raising awareness of the cycle between animal abuse and other violent behavior, to the media, the general public and the criminal justice system; • Partnering on a variety of programs and projects with the American Society for the Prevention of Cruelty to Animals, the American Humane Association, The Humane Society of United States, and other major national human service and humane societies that share our goals; • Producing the Animals’ Platform, a blueprint to promote new and stricter animal protection legislation and policy.

About Wesleyan University

Wesleyan University in Middletown, Connecticut, is a selective private, coeducational, nonsectarian school of liberal arts and sciences known for the excellence of its academic and co-curricular programs. Wesleyan’s College of the Environment was created in 2009 with a belief in the resilience of the human spirit and a desire to engage students and scholars in discussions about environmental issues and their social and political impact. Wesleyan Animal Studies (WAS) was created in 2010 in order to foster scholarship on human-animal relations from a range of disciplinary and interdisciplinary perspectives. WAS offers courses in Philosophy, Biology, and Environmental Studies, and has hosted conferences in 2011 and 2012.

Please address all correspondence to us at: fellowshipapplication@animalsandsociety.org

Special thanks to our endowed sponsors: The Humane Society of the United States and the National Canine Research Council.

http://www.animalsandsociety.org/pages/human-animal-studies-fellowship

The Science of Animal Thinking and Emotion: Sentience as a Factor in Policy and Practice

The Science of Animal Thinking and Emotion:
A Conference on Sentience as a Factor in Policy and Practice

Kellogg Conference Center at Gallaudet University, Washington, D.C., March 17-18, 2014

HUmane societyScience is making stunning discoveries about animal cognition, awareness and emotion.

How can we apply and leverage this information for positive change in government, industry and other sectors?

This two-day conference brings together leaders in the science and implications of animal sentience, and influential voices in the policy and corporate domains.

As the bedrock of animal ethics, sentience deserves a more prominent place in the legislative, corporate, and institutional landscapes where decisions about animals and their care and status are made.

Conference Program

Monday, March 17, 2014 — The Science and Implications of Animal Cognition Morning Session

8:30-8:45 Welcome (Andrew Rowan)
8:45-9:15 The Emotional Brain (Jaak Panksepp, PhD, Washington State University)
9:45-10:15 Ape and Dog Cognition (Brian Hare, PhD, Duke University)
10:45-11:15 Farm Animal Cognition, (Ian J.H. Duncan, PhD, Global Animal Partnership)
11:45-12:15 Awareness and Experience (Robert Mitchell, PhD, Eastern Kentucky University)
1:30-2:00 The Fishes (Victoria Braithwaite, PhD, Penn State University)
2:30-3:00 Animal Language (Con Slobodchikoff, PhD, Professor Emeritus, No. Arizona Univ.)
3:30-4:00 Animal Pleasure (Jonathan Balcombe, PhD, Humane Society University)
4:30-5:00 Dog Emotions with fMRI (Greg Berns, MD, PhD, Emory University)
6:00-8:00 Conference Dinner

Tuesday, March 18, 2014 — The Application of Animal Cognition

9:00-9:30 Sentience of Reptiles (Vladimir Dinets, PhD, MSc, University of Tennessee)
10:00-10:30 Sentience, Psychology and Social Change (Hal Herzog, PhD, Western Carolina University)
11:00-11:30 Sentience and Bio-Politics (Bernard Unti, PhD, The Humane Society of the US)
12:00-12:30 Sentience, Development and Cultural Change: Human-Animal Relations in Contemporary China (Peter Li, PhD, Humane Society International)
1:45-2:15 Marketing Sentience through the Media (Clare Molloy, PhD, Edge Hill Univ., UK)
2:45-3:00 The Influence of Sentience on Animal Research (Marita Candela, Professor In Law at Universitat Autónoma de Barcelona)
3:30-4:00 Sentience and Animal Welfare in the EU (Marguerite Kuzma, Policy Officer, Animal Welfare Unit, the European Commission)
4:15-4:45 Sentience of Cetaceans and the Global Conservation Agenda (Mark Simmonds, OBE, Sr. Marine Scientist, Humane Society International)
5:00-5:15 Closing Remarks, End of Conference

For more information/registration, visit:
http://www.humanesociety.org/about/departments/hsisp/

Program Summary (PDF)

Note : Registration for this conference is expensive (even for students, registration fees are 90$), but includes breakfast and lunch on both days of the conference.

Donovan critique le récent collectif français sur l’éthique du care et les animaux

Dans le récent numéro de Critical Animal Studies, Josephine Donovan critique plusieurs articles du collectif “Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement” pour leur échec à être attentifs à “la voix différente” des animaux, pour leur promotion du meurtre (Grandin, Leopold) et leur mécompréhension de l’éthique du Care.

“The French applications of care theory go awry, I contend, because they do not adhere to this bottom-line criterion. (…) First is their equivocation about vegetarianism, which leads in certain instances to a qualified endorsement of meat-eating; two, the promotion of Temple Grandin, a professor of animal science, and Aldo Leopold, well-known ecologist, as exemplars of care practice.”

“An understanding of the underlying premises of care theory – namely, that (as many of these French theorists note) since care theory is rooted in the articulation and recognition of “a different voice” (the title, as noted, of Carol Gilligan’s original founding document), it requires, in the case of animals, listening to that voice, hearing its communication, and incorporating that communication honestly into one’s ethical decision-making. Were that communication from animals honored, meat-eating would not be an option; nor could Grandin’s nor Leopold’s practice be seen as linked to care theory, for both engage in actions that either directly kill (Leopold’s hunting) or endorse and enable the killing of animals (Grandin’s work in slaughterhouses).” (p. 11)

Téléchargez en PDF : http://www.criticalanimalstudies.org/wp-content/uploads/2013/07/JCAS-Vol-11-Issue-1-2013-PDF.pdf

 

Tous vulnerables_PBP
Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement

 

 

Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement
(Sandra Laugier, ed.), Petite Bibliothèque Payot, 2012.

Avec les contributions de Solange Chavel, Nicolas Delon, Marie Gaille, Eva Feder Kittay, Catherine Larrère, Sandra Laugier, Anne Le Goff, Pascale Molinier et Layla Raïd.

 

 

 

 

 

CAS 2013
http://www.criticalanimalstudies.org/volume-11-issue-1-2013/