Les bêtes et nous
Les avancées en matière d’évolution, d’éthologie, d’anthropologie et de sciences cognitives, remettent en question la définition du “propre de l’homme” : langage, culture, conscience, empathie… existent aussi chez les bêtes. Que sait-on vraiment sur la façon dont les animaux perçoivent le monde et ses transformations au cours des siècles ? Cette frontière entre humains et non humains, qui domine la culture occidentale, est-elle universelle ? Si les hommes et les bêtes ont tant en commun, les uns peuvent-ils se nourrir des autres sans restriction ?
En ouverture de chaque conférence, l’acteur Nicolas Pignon fera une courte lecture de textes d’auteurs anciens ou contemporains.
Voici le détail de la Présentation par Georges Chapouthier
Neurobiologiste et philosophe, directeur de recherche au CNRS
Il y a trois manières de concevoir les animaux par rapport aux êtres humains : l’animal humanisé, identique à l’homme, l’animal-objet et l’animal-être sensible, proche parent de l’homme sans être exactement son identique. C’est cette dernière conception qui paraît la plus conforme à ce que nous savons aujourd’hui des animaux. Les animaux sont capables de traits culturels : utilisation d’outils, de règles cognitives, de communications complexes, voire de langages, de règles morales ou de préférences esthétiques. Ils disposent d’aptitudes de mémoire et de conscience assez proches des nôtres, quoique non identiques. Bref l’être humain est clairement un animal, mais doté de certaines aptitudes intellectuelles particulières. Toutes ces considérations amènent à souligner la nécessité, pour l’homme, d’adopter, à l’égard des animaux, un meilleur comportement moral et de leur attribuer certains droits.
Référence : G. Chapouthier, Kant et le chimpanzé, essai sur l’être humain, la morale et l’art, Belin, 2009
Voici le détail de la présentation de Eric Baratay
Historien, professeur d’histoire contemporaine à l’université Jean-Moulin de Lyon
L’histoire, celle bâtie par les hommes, est toujours racontée comme une aventure qui ne concerne qu’eux Pourtant, les animaux ont participé et participent encore abondamment à de grands événements ou à de lents phénomènes historiques. Leurs manières de vivre, de sentir, de réagir ne sont jamais étudiées pour elles-mêmes, comme s’il n’y avait d’histoire intéressante que celle de l’homme. Comme s’il existait en nous une difficulté à prêter attention aux vivants que nous enrôlons, mais que nous traitons comme des objets, indignes de participer à la marche de l’histoire. L’histoire vécue par les animaux est pourtant, elle aussi, épique, contrastée, souvent violente, parfois apaisée, quelquefois comique. Elle est faite de chair et de sang, de sensations et d’émotions, de douleur et de plaisir, de violences subies et de connivences partagées. Elle n’est pas sans répercussions sur la vie des hommes, à tel point que ce sont leurs interactions, leurs destins croisés qu’il faut désormais prendre en compte. Elle est donc loin d’être anecdotique et secondaire. Il faut se défaire d’une vision anthropocentrée pour adopter le point de vue de l’animal. et fournir ainsi une autre version de l’histoire, qui ne manquera pas d’intéresser notre monde inquiet de la condition faite aux animaux.