“Un monde plus qu’humain. Approches féministes en éthique animale et environnementale” (26 août, CIRFF, UQAM)

Un monde plus qu’humain
Approches féministes en éthique animale et environnementale

7ème Congrès international en recherches féministes dans la francophonie (CIRFF)
Mercredi 26 août de 9h à 17h
UQAM –
Pavillon J.-A.-DeSève (DS) 320, rue Sainte-Catherine Est,
H2X 1L7 (http://carte.uqam.ca/)
Salle DS-1545

Programme du colloque (PDF) avec résumés (Mis à jour)

Affiche du colloque en PDF
Consulter le programme complet du CIRFF : http://cirff2015.uqam.ca/programme.html
(consulter le tableau du programme de la semaine)

Cirff 10Les approches féministes ont développé les outils nécessaires pour critiquer non seulement le sexisme, mais également les autres oppressions comme le racisme, le capacitisme, l’âgisme, etc. Mais qu’en est-il du spécisme et de l’anthropocentrisme? Au coeur de l’écoféminisme se trouve l’idée que les oppressions des femmes, des personnes racisées ou marginalisées, des autres animaux et de la nature sont liées et fonctionnent selon une même logique de domination. Pourtant, les liens entre l’oppression des humains et des autres animaux restent encore aujourd’hui peu thématisés dans les mouvements féministes. Ce colloque sera l’occasion de développer les théories et pratiques féministes permettant de critiquer et de transformer nos relations aux autres animaux et à la nature en général.

Programme du Mercredi 26 août – DS-1545 (voir résumés ci-dessous):

9h – 10h30 – Écoféminisme(s) : Développements théoriques contemporains

Marie-Anne Casselot : “Écoféminisme et nouveau matérialisme: similarités et tensions”
Antoine C. Dussault : “Un care écocentriste est-il possible ? Souci, respect et coopération avec la nature”

11h – 12h30 – Animaux humains et non-humains: intersections des oppressions

Jonathan Fernandez : “Spécisme, sexisme et racisme : l’égalité peut-elle s’arrêter aux frontières de l’humanité ?”
Christiane Bailey :“Critique écoféministe de la suprématie humaine”

14h – 15h30 – Approches antispécistes dans les arts et sciences

Pascale Lafrenière : “Réflexion autour des technologies de reproduction à l’ère de la bioéconomie”
Julia Roberge Van Der Donckt: “Vers une esthétique antispéciste : détournements de la taxidermie dans la pratique d’artistes contemporaines”

16h – 17h30 – Combattre des oppressions et des violences invisibilisées

Elise Desaulniers : “La prise de parole des femmes sur la question animale”
Martin Gibert : “Carnisme et perception morale”

Affiche - Un monde plus qu humain Approches feministes en ethique animale et environnementale - CIRFF 2015_MOD

RÉSUMÉS DES SÉANCES

Mercredi le 26 août 2015

9 h-10 h 30 Écoféminisme(s) : Développements théoriques contemporains

Marie-Anne Casselot
Écoféminisme et nouveau matérialisme: similarités et tensions

Entre l’écoféminisme et le nouveau matérialisme, y a-t-il des liens théoriques importants? Quelles sont les tensions de ces deux disciplines? Tout d’abord, je souhaite dresser un portrait de l’écoféminisme et du nouveau matérialisme, car ce sont deux domaines peu développés dans le milieu de la recherche philosophique francophone. L’écoféminisme est un mouvement politique et théorique datant des années 1970 et ayant atteint son « apogée » à la fin des années 1980, début 1990. De l’autre côté, le nouveau matérialisme, plus récent, veut remettre à l’avant-plan la matérialité « oubliée » par le tournant constructiviste et postmoderne. Accusé d’essentialisme, l’écoféminisme semble avoir laissé la place au nouveau matérialisme pour théoriser les liens entre nature et humanité. Dans la littérature écoféministe, il y a un reel intérêt pour le non-humain et l’environnement, ce qui anticipe le « retour » vers la matérialité du nouveau matérialisme. En outre, au sein de la littérature du nouveau matérialisme, on peut entendre quelques échos écoféministes dans l’analyse des dualismes tels que la nature-culture, hommes-femmes, l’humain et le post-humain, etc. Or, quels sont les points de contacts entre les deux disciplines? Autour de certaines figures importantes de l’écoféminisme (Val Plumwood, Sherilyn MacGregor et Chris J. Cuomo) et du nouveau matérialisme (Elizabeth Grosz, Rosi Braidotti et Stacy Alaimo), je souhaite identifier leurs thèmes communs ainsi que mettre en lumière leurs tensions. Ainsi, la pertinence théorique d’un tel projet est d’examiner où et comment ces deux disciplines peuvent être en dialogue de façon constructive et critique.

Antoine C. Dussault
Un care écocentriste est-il possible ? Souci, respect et coopération avec la nature

En continuité avec les discussions de Larrère et Raïd, je soutiendrai la convergence entre l’éthique écocentriste développée par Callicott (inspirée du travail d’Aldo Leopold) et certaines approches écoféministes. Je détaillerai en particulier les liens entre le « caring about » de Tronto (2009) et l’importance accordée aux relations et à la sensibilité dans les théories de Leopold, Callicott, Warren et Plumwood ; et ferai certaines observations sur l’interdépendance psychologique et éthique des attitudes de care et de respect et sur la place des relations dans l’éthique de Kant. Je détaillerai ensuite les liens entre ce que Tronto appelle le « care-giving » et le projet de Merchant d’élaborer un partenariat, c’est-à-dire un mode d’interaction coopératif entre les humains et la nature, comme dépassement du mode baconnien de domination de la nature caractéristique de l’Occident moderne. Je montrerai le rapprochement entre cette vision coopérative et l’éthique écocentriste en rappelant l’influence méconnue de la médecine hippocratique sur la vision écocentriste de Leopold, en lien avec certaines réponses aux arguments courants à l’effet que, d’un point de vue écocentriste, toute intervention humaine dans la nature implique nécessairement une forme de domination. Finalement, je dirai quelques mots sur les tensions entre le care appliqué aux écosystèmes et aux animaux sentients et critquerai la manière dont Callicott traite à l’occasion ce conflit.

11 h-12 h 30 Animaux humains et non-humains: intersections des oppressions

Jonathan Fernandez
Spécisme, sexisme et racisme : l’égalité peut-elle s’arrêter aux frontières de l’humanité ?

Cet exposé vise à élargir les réflexions égalitaristes à la catégorie des animaux. Sur la base d’une enquête statistique effectuée dans le cadre d’un mémoire de Licence à l’université de Lausanne en 2009, il tente de faire le pont entre la critique radicale des rapports sociaux issue des analyses des féministes matérialistes et la question de notre rapport aux animaux. Cette recherche a pour but de comprendre si la discrimination sur la base du critère d’espèce, le spécisme, entretient des liens avec des formes de discriminations interhumaines, en l’occurrence le sexisme et le racisme. Les résultats de l’enquête mettent en évidence que le spécisme est une construction sociale, qui fait système, en interaction avec les classes de sexe, de race, dont il partage les fondements idéologiques, notamment la naturalisation des catégories. Ils tendent également à démontrer que le spécisme occupe une place essentielle dans les mécanismes discriminatoires en général et contribue fortement aux divisions sociales qui structurent et hiérarchisent la société dans son ensemble.

Christiane Bailey
Critique écoféministe de la suprématie humaine

L’humanisme considère acceptable de mutiler, d’enfermer et de tuer certains individus vulnérables sans leur consentement simplement parce qu’ils n’appartiennent pas à notre groupe biologique. Bien que certaines féministes aient adhéré à cette forme d’humanisme-suprématiste, plusieurs féministes ont développé une théorie et une praxis antispéciste qui tient compte du fait que de nombreux animaux autrement qu’humains sont des individus dotés d’une vie subjective et intersubjective qui leur importe autant que nos vies nous importent à nous. Les approches féministes en éthique animale sont fondées sur le principe selon lequel la simple reconnaissance d’un être comme un individu vulnérable qui se soucie de ce qui lui arrive génère des responsabilités de ne pas lui faire du mal, de respecter sa volonté, mais aussi, dans certaines circonstances, d’en prendre soin (sans tomber dans le paternalisme). Je soutiendrai que la majorité des formes institutionalisées d’exploitation animale sont des privilèges que nous nous sommes injustement arrogés sur les autres animaux par la force, la violence, le droit, la religion et la tradition. Enfermer, mutiler et tuer des individus vulnérables sans leur consentement requiert des justifications fortes qui ne sont pas remplies par la vaste majorité de nos pratiques actuelles (élevages, abattoirs, laboratoires, zoos, cirques, etc.). Nous devons nous opposer à ces violences socialement acceptées en adoptant le véganisme comme pratique de « disempowerment », tout en développant collectivement de nouvelles façons de vivre avec les autres animaux qui soient non seulement plus durables, mais surtout plus justes et respectueuses envers les autres animaux qui partagent la planète avec nous.

14 h-15 h 30 Écoféminisme(s) en pratique : Approches antispécistes dans les arts et sciences

Pascale Lafrenière
Réflexion autour des technologies de reproduction à l’ère de la bioéconomie

Tout développement technologique s’enracine dans un terrain socioculturel idéologiquement fertile à son émergence. Cependant, une fois créés, les outils techniques peuvent changer de sens à travers l’utilisation qu’on en fait, rompant parfois avec les ambitions originelles. Les technologies qui ont pour but de favoriser, de remplacer ou d’empêcher la reproduction ne dérogent pas à ces règles. Elles s’enracinent dans la volonté de déjouer la malédiction condamnant les femmes à enfanter dans la douleur. Ces technologies sont donc porteuses de promesses d’émancipation, mais aussi de menace de contrôle en attribuant aux scientifiques le statut d’experts en conception et gestion du vivant. Ces biotechnologies nous amènent-elles vers le meilleur des mondes ? Je présenterais une analyse des projets d’utérus artificiel, du contrôle des populations d’animaux de compagnie et de la repopulation d’espèces en voie d’extinction. Ces technologies de reproduction nous sont présentées comme des fatalités suscitent donc moins de débats. Cependant, il s’agit de situations très complexes relevant de choix collectifs et engendrant des impacts sociaux, économiques, éthiques et politiques important.

Julia Roberge Van Der Donckt
Vers une esthétique antispéciste : détournements de la taxidermie dans la pratique d’artistes contemporaines

Étroitement liée à la chasse, la taxidermie constitue une pratique teintée par des visées colonialistes et patriarcales, comme l’a montré Donna Haraway. Qu’il relève du trophée ou de l’objet de curiosité, l’animal naturalisé demeure un témoin éloquent de la violence exercée par l’homme sur les animaux non humains. Certaines artistes contemporaines se sont d’ailleurs saisies de ce médium pour en faire le véhicule de revendications féministes, écologistes et antispécistes, renversant de cette manière les codes associés à la tradition centenaire de la taxidermie. Plus que de simples memento mori, les chairs animales, ainsi réifiées, deviennent le symbole de multiples oppressions perpétrées par le genre humain. Cette communication sera notamment l’occasion d’analyser le travail d’Angela Singer, une artiste britannique militant au sein de groupes de défense animale. S’appropriant des spécimens naturalisés de seconde main, Singer emploie un procédé de « dé-taxidermie » qui a pour objectif de révéler la mort violente à l’origine de ces objets. Les impératifs de beauté et de vérisimilitude sont ainsi sciemment écartés au profit d’un regard critique sur le rapport que nous entretenons avec les animaux non humains.

16 h-17 h 30 Écoféminisme(s) en pratique : Combattre des oppressions et des violences invisibilisées

Elise Desaulniers
La prise de parole des femmes sur la question animale

Si l’on met de côté le mouvement féministe, le mouvement animaliste est sans doute le premier mouvement social à être constitué danss une large majorité de femmes. Il y a certainement là quelque chose d’inédit qui mérite d’être pensé. Pourtant, le “plafond de verre” ne l’épargne pas: les femmes restent sous-représentées à la tête des organismes de défense des animaux et parmi les leaders influents. Pour de nombreux auteur-e-s, le mouvement animaliste reproduirait ainsi la dichotomie patriarcale dominante où les femmes, associées aux émotions, agissent à l’arrière scène (et font des recettes) pendant que les hommes, perçus comme crédibles et rationnels, sont dans les rôles de pouvoir. D’où la question qui sera au coeur de cette présentation: comment faire en sorte que la direction du mouvement soit plus représentative de la diversité de ses membres et que la parole des femmes soit entendue ?

Dr. Martin Gibert
Carnisme et perception morale
Le carnisme, le concept forgé par la psychologue et militante de la cause animale Melanie Joy, offre un nouvel outil pour penser l’oppression dont les animaux sont victimes. Il désigne l’idéologie qui conditionne les gens à considérer qu’il est normal, naturel et nécessaire de consommer des produits animaux. Nommer, désigner et décrire le carnisme constitue en en tant que tel une manière de le dénoncer. Il peut, à cet égard, rappeler de concept d’idéologie patriarcale. Je voudrais défendre la thèse selon laquelle le carnisme peut se comprendre comme une idéologie qui brouille la perception morale. En effet, le carnisme consiste à rendre invisible les intérêts des individus non humains par toute sorte de stratégies. Sa force réside dans sa capacité à faire disparaître la question animale, ou du moins à la sous-exposer à notre perception morale. Il s’agira donc d’appliquer le cadre d’analyse développé dans mon livre L’imagination en morale au cas particulier du carnisme.

Événement facebook: https://www.facebook.com/events/1670192039867739/

Consulter l’Appel à Contributions

 

CIRFF