Capacité cognitives, langage et conscience chez les animaux

 

Plan pour le cours de Valéry Giroux – 12 mars 2012

Voici le Power Point de la séance :  Version PowerPoint 2003, Version PowerPoint 2011.

Capacités cognitives, langage et conscience

Comme vous le savez, j’ai la tâche de combiner deux séances en une : la séance sur les capacités cognitives et le langage ainsi que la séance sur la conscience. Ce qui unifie ces deux sujets est la question de la subjectivité animale. Étudier l’animal comme sujet, c’est étudier l’animal comme un être doué de subjectivité ou d’esprit (mind), c’est-à-dire comme un être qui a une vie non seulement biologique, mais une vie psychologique. Cette question est intimement liée à la question de la sensibilité (sentience) et de possession d’intérêts puisque ressentir et désirer sont des états mentaux.

Or, le problème évident est que la tradition philosophique anglo-saxonne considère les états mentaux comme des états propositionnels. Dans ce cadre, le langage est vu comme la condition suffisante et nécessaire pour avoir un esprit. Cette position, élaborée par Davidson et Frey, est le principal obstacle au développement d’une éthologie cognitive qui cherche à expliquer les comportements des animaux en faisant appel à des états mentaux (croyances, désirs, émotions).

Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, le passage du paradigme behavioriste au paradigme cognitiviste en éthologie n’a eu que très peu d’intérêt pour l’éthique animale pour la simple raison que les études sur la cognition animale ne s’intéressent pas à la subjectivité et à la conscience, mais à l’esprit comme centre de traitement d’informations. Les théories computationalistes de l’esprit considèrent les processus cognitifs sur le modèle du fonctionnement des ordinateurs et ne s’intéressent pas à l’aspect subjectif du vécu, traité le plus souvent comme un simple épiphénomène.

La question de savoir si les animaux ont un esprit au sens cognitiviste n’implique donc pas nécessairement de se demander s’ils ont une forme de conscience ou même s’ils ressentent quelque chose. Autrement dit, la question de la sentience – de la conscience phénoménale, du ressenti (Searle) ou de l’effet que ça fait d’être un animal (Nagel) – reste foncièrement inaperçue.

Depuis les années 90, cependant, la question de la conscience a repris du poil de la bête et plusieurs philosophes ont osé aborder la « difficile question » (the hard question) de la conscience (Searle, Carruthers, Griffin). Ces débats autour des différentes théories de la conscience (HOT, épiphénoménalisme, etc.) ont un impact direct sur la question de la sentience des animaux – bien que Carruthers prétend qu’on peut admettre que les animaux souffrent sans leur reconnaître une subjectivité (Carruthers « Why the question of animal consciousness might not matter very much » (2005) et «Suffering without subjectivity» (2004).

Les débats autour de la subjectivité des animaux non-humains – autrefois foncièrement marqués par un biais intellectualiste – tendent aujourd’hui à s’orienter sur la question des émotions et de l’expérience vécue. Cependant, la question des émotions chez les animaux est beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire (Dawkins) et plusieurs argumentent que nos attributions d’émotions aux animaux ne sont peut-être pas légitimes (Dixon, Damasio).

La réhabilitation des explications psychologiques du comportement des animaux par le moyen des croyances, désirs et émotions est cependant en train de donner naissance à un nouveau paradigme en éthologie. Se fondant sur l’idée que l’étude du comportement des animaux est avant tout l’étude de sujets et non pas simplement l’étude d’objets ou de processus physico-biologiques, plusieurs reconnaissent que l’éthologie est une science essentiellement interprétative qui se doit d’emprunter ses méthodes aux sciences humaines et sociales plutôt qu’à la biologie et aux neurosciences. Au moyen « anthropomorphisme critique », il s’agir de bâtir une science du comportement animal prenne comme point de départ notre compréhension commune, spontanée ou “naïve” du comportement des animaux pour l’évaluer et la tester d’une manière critique et rigoureuse (D. Jamieson, K. Andrews, C. Allen).

Lectures suggérées : (*inclus dans le recueil)

*Frey, R. J., Rights, Interests, Desires and Beliefs, 1989
*Stitch, S., Do Animals have Beliefs ? (1979)
Davidson, D.,Rational Animals (1982)
*Carruthers, P., Brutes Experience (1989) et Animals and Conscious Experience (1994)
*De Grazia, D., Taking Animals Seriously : Mental Life and Moral Status (1996)
Nagel, T.,What is it like to be a bat ?(1974)
Griffin, D., Scientific Approach to Animal Consciousness (2000)
Searle, J., Animal Minds(1994)
Jamieson, D.,Science, Knowledge, and Animal Minds(1998)
*Dawkins. M. S., Animal Minds and Animal Emotions (2003)
Beth Dixon, Animal Emotions(2001)

 

Published by

Christiane

Coordonatrice du Centre de justice sociale de l'Université Concordia (Montréal) - Coordinator Social Justice Centre (Concordia University, Montreal)

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